Contes Equilibriens




Qiel Gun'Har, Troubadour de la Dame.

O Hatoshal rêvée, Hatoshal adorée,
Splendide fierté de Poussières dévouées
O Vert Mystérieux, délivre tes secrets.
Divine caverne de Merveilles cachées.

Le Vent transmets les rumeurs,
Une Brise d'inconnu, un bruit de trésor
Une récompense pour dur labeur,
Une rencontre dont l'espoir dévore.

Le Culte de l'Equilibrium a longtemps été transmis oralement,
Hors des Écrits religieux, existent, des contes semblant dément.
Légendes de troubadours, ridicules histoires de Mardes, soi-disant.
Mais les légendes ont une base réelle, celle-ci n'est pas exception.


Ainsi, il est dit, qu'au beau milieu, du cœur sombre de l'Hatoshal,
il existerait une clairière, dont aucun sentier n'amène.
Une clairière, entourée de conifères géants, Piliers stoïques la protégeant.
Aucun rejeton n'espère trouver l'endroit, aucun païen non plus.
Au centre de la clairière, ombrageant la totalité des basses herbes,
se trouve l'Arbre Blanc du Jugement.

La légende affirme que seul un apôtre peut tomber sur le Gigantesque végétal.
Guidé, s'il le mérite, par les Voix de la Dame, encore faut-il écouter, et espérer.
L'Arbre Blanc du jugement, aurait la particularité, en dehors d'être majestueux,
d'être couvert uniquement d'un feuillage blanc qui ne tombait jamais au sol.
L'ont dit que l'Elu trouvant la clairière pouvait entendre la voix de la Dame.

Il parait, en effet, que le vent introduit dans le feuillage pâle, parlerait,
Une voix féminine, une voix divine, la Dame s'exprimerait sans ménagement.
Il parait que cette voix divine, serait le lien, le lien entre chaque être.
Une porte ouverte vers, les discussions naturelles des esprits muets.

Incroyable bienfait, Incroyable puissance, mais pouvoir à protéger aussi.
Ainsi, l'Arbre est entouré en permanence de vents très nombreux, qui tournoient, balayant la clairière.
Ces vents peuvent devenir Arme et sans sommations pourrait désintégrer n'importe quel rejeton.
Cela explique les raisons de leur méfiance à chercher la clairière.

Cela est ennuyant à dire mais il est raisonnable d' adopter leur méfiance.
Car la puissance divine muée en jugement est en général dangereuse.
Une sorte de R'hin Assia immuable, silencieuse, fatale, et Equilibrée.
L'on dit qu'elle peut rendre fou à lier, ceux qui ne respectent pas l'Equilibre.
L'on raconte qu'elle peut désintégrer l'imbécile travaillant pour l'ennemi.
Attention, aussi, à ne pas observer indéfiniment, il parait qu'à force d'entendre,
le savoir divin, la poussière aurait tendance à vieillir prématurément.
Aussi, impossible d'étudier les voix, sous peine de finir comme engrais pour le Pilier Blanc.

Quel intérêt me direz-vous de rencontrer l'Arbre Blanc du Jugement ?
Et bien si votre âme est juste, si votre âme est dédiée à la Dame ;
Elle vous fera le plus grand des présents. Cérémonie magnifique.
Une feuille de l'Arbre se détachera, et sera transportée, par les vent son allié,
Elle se posera sur votre cœur, en passant à travers vos vêtements. l'insignifiante partie blanche se désintégrera aussitôt, laissant une empreinte.
Une empreinte de feuille indélébile, vous assurant le soutien de la Dame.

Qui n'a jamais rêvé de voir une tempête de vent, faire dégager l'ennemi lors d'un combat perdu d'avance ?
Qui n'a jamais espérer voir un éclair s'abattre sur l'aberration en train de déchiqueter vos jambes ?
Qui n'a jamais bénie une branche d'arbre s'écroulant sur l'abruti qui vous abreuve d'inutilités depuis des heures ?
Voilà, le pouvoir de l'Arbre Blanc. Aussi, quand vous vous promènerez dans l'Hatoshal si vous sentez que le Vent vous porte dans une direction, suivez-le, laissez agir votre intuition.

Tel est mon conseil, Telle est mon histoire, Tel est un secret de la forêt dorée, organisme vivant de la Dame.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

Génèse : Extrait d'un recueil de l'Archiviste Holl Ybybeul

Un léger bruissement, un tremblement, sur la terre et dans les cieux, des armées se déchiraient, Stupeur et violence.
Aucun organisme n’était indifférent, Tous étaient impuissants, Aucune issue. Une déferlante, une explosion, rafales de puissances, brûlures et destructions, Syfaria retint son souffle.
Un point de lumière, insignifiant dans le chaos, puis exponentielle augmentation. Un temps court, une lumière aveuglant l’ensemble de l’île et de ses environs.
Pierres, feuilles, corps et armes, tous voletaient dans un silence assourdissant. Silence parfait, pause dans le chaos, plus rien ne bougeait, dans le blanc immaculé, plus rien n’existait.

Un souffle, un hurlement. Colère divine, explosion de lumière, destruction des êtres, déchirement de ce qu’elle englobait.
Rage, courroux d’une Déesse tout juste éveillée. La lumière disparut, tout retomba, choc sonore. Transformation du tout, suppression de la puissance Étrangère, punition céleste.
La Dame Grise était consciente, pouvoir divin né de la menace de destruction totale, né d’une offense à l’Equilibre.
Etrangers œuvrant selon leur bon vouloir plutôt que pour la pérennité du Tout. Tous devaient le payer. Ils seraient surveillés.
Tous se conforteraient à ses règles sans qu’elle ait à les édicter, tous la respecteraient sans savoir s’il elle existait.

Un léger bruissement, un tremblement, une note, deux notes, un ensemble, une mélodie.
Les êtres ne devaient plus connaître le silence, une mélodie, pour toujours, en fond sonore.
Mélodie insidieuse, rappel d’un courroux divin, d’une menace fatale, que la Déesse éveillée tenait entre ses mains.
Punition pour les êtres présomptueux, plus jamais seuls, rappel de leur honteuse faute.
Une Déesse omnisciente observait chaque être et punissait chaque écart, surveillait son royaume, comptait ses sujets.
Elle était ce royaume, elle était ces sujets. Intrus, les Etres de conscience, Etrangers du cycle, Elle n’était pas en eux. Elle les menaçait.
Etres d’émotions, faiblesse auditive, incapables d’occulter la splendide mélodie. A jamais dans leur esprit, les brisants à chaque écart. Ils respecteraient l’Equilibre de gré ou de force.
L’harmonie dura un certain temps, la Déesse s’apaisait, épargnée de ses propres sujets, la mélodie se fit moins forte. L’Equilibre était préservé.
Sa colère se dissipa, elle s’assoupissait. Elle finit par se rendormir, la mélodie s’arrêta.

Un souffle, un hurlement, un village près du rivage, une maison avec vue sur la mer, un complot en dehors du royaume.
Une porte oubliée, vers un ailleurs ignoré de la Dame. Plus de remparts, plus de mélodie, la porte se brisa, un être gigantesque en sorti.
Monstrueux poisson, il n’était pas du cycle, trop gros pour l’Equilibre. Destructeur, il venait la briser.

Un léger bruissement, un tremblement, la Dame se réveillait de nouveau, Rage, nul ne peut troubler le sommeil divin. Tremblement de terre, la Déesse fit connaissance avec la douleur.
Le Destructeur, le S’sarkh, avait plongé hors du royaume, se tenant à la limite sans y entrer, divine frustration.
L’intrus jouait sa propre mélodie, le traitre, il rivalisait de ses notes avec les accords divins. Il déformait les sons, détruisait l’Equilibre, la Symphonie sonnait faux, certains devenaient fous.
Syfaria bouillonnait de notes désaccordées. Instabilité. Corruptions de sujets sous les yeux impuissants de la Déesse. Elle luttait sans savoir vaincre, le S’sarkh était impossible.
Intrus, Dieu enragé d’un royaume qu’il a mené à sa perte. La Dame n’avait jamais combattu telle créature. Traitrise. Les Rejetons, cavaliers de la mort, s'allièrent à une engeance, Pantins de la maladie.

La Déesse, arrogance divine, hurla de colère, fit trembler le sol, jura sa propre destruction.
Adolescente désespérée, Souffrance insupportable, abandonnée, Les êtres avaient oublié d’où venait la mélodie.
La Symphonie, dernier rempart contre leur corruption ne pouvait être arrêtée, trop de risques. L’addition avait une inconnue pour résultat.
Panique suicidaire, utiliser les stalagmites étrangères, piqures de moustiques aspirant sa force pour la disséminer. Piliers acteurs d’une tentative de destruction, le cycle redémarrait, surchargée de puissance d’une divinité inconsciente.
Un léger bruissement, un tremblement, l’air se faisait plus lourd, les Tiges aspiraient la puissance jusqu’à en exploser. Pas d’explosion, puissance ignorante, résultats surprenants.
La magie invisible devint consistante, minuscules particules tournoyantes. Particules devinrent poussière. La poussière vola les âmes prisonnières des piliers, vola la magie de la Dame.
Prévisions catastrophiques, résultats particuliers. La poussière devint forme, trois types de créatures pensantes, êtres de conscience, pourtant, faibles, imprévisibles, nus, et innocents.
Un souffle, un hurlement, un nouveau combat, une nouvelle violence, tout recommençait.
Pas d’apocalypse, tout juste une transformation.
Un nouveau cycle commençait. La poussière clé, ivres d’émotions, ivres de vengeance, les poussiéreux auront l’astuce, ils tâtonneront jusqu’à trouver.
Dame meurtrie, Sujets pervertis, Poussière, Equilibre.

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

"L'aveugle, par le Chroniqueur Lisbeth"

Un jour comme aujourd’hui, le vent caressait les plaines, les arbres montraient fièrement leurs forces et la pluie restant laissait à la terre cette odeur si agréable.
Le héros finit son paquetage, attacha les dernières boucles et se mit en selle. Son Tawhak vieux et fatigué se lançant sur les routes peu sûres et escarpées.
Rien d’exceptionnel à ce Tydale, il était de taille moyenne, de poids moyen et de beauté moyenne.
Le visage bonhomme de quelqu’un qui a déjà de l’âge. Quelques rides au coin des yeux révélaient un sourire fréquent et franc.
La spécificité était dans le regard, celui-ci était blanc, l’iris n’existait plus, le pauvre vieux était aveugle.

Un beau jour, il prit la décision de quitter l’Hatoshal, lieu de prédilection de son ermitage.
Il en avait assez de la solitude, il voulait appartenir à une communauté. Ainsi, Il prit la route de la faction de sa race d’origine, le Matriarcat du Déclin, pour quémander asile et quelques miettes de pain et d’eau.
Sa monture expérimentée comblait son absence visuelle, un détour derrière les collines maudites, et il était là-bas.
Il n’avait cure des risques de la route, si son temps était venu, qu’il en soit ainsi.
Certes, il s’était déjà fait attaqué, cependant, les rejetons, en général, avaient pitié de lui. Tout le monde avait pitié de lui.
Peut être était-ce cela la raison de sa longue solitude. Il s’appelait Salander, il avouait sans crainte qu’il n’avait peur de rien.

A la porte d’Utrynia, il fut stoppé par des gardes.
« - Aka’s Hajar vagabond, tu n’entres pas.
- Pourquoi ne puis-je pas entrer ? Je ne peux faire d’histoires sans mes yeux pour voir. Je cherche gîte et couvert. Pouvez-vous me l’offrir ?
- Non, répondit un garde, tu n’auras rien, tu es inapte, tu ne vaux rien. Qu’espères-tu de nous ? Nous allons vers le Déclin, Tu serais un poids mort, une bouche à nourrir inutile.
- Je ne vais pas supplier, je m’en vais, mais pourquoi apporter tant d’égard au futur, tant d’application à sauvegarder notre race, si ce qui fait d’elle poussière a disparu ?
La race Tydale est morte, vous n’êtes que des pions ramassant les miettes. »

Sans attendre de réponse, il tira sur les rennes et reparti d’où il venait.
Il ne ferait pas partie du Matriarcat, aussi, il se dirigea vers la Confrérie des Six.
Sa vue prise en otage, il comptait sur ses autres sens, autrement plus développés. Ainsi, il ressentit la chaleur du désert d’Amody, sentant l’odeur particulière du sable brûlant autour de lui.
Dans le désert, le vent était plus puissant et ramenait avec ses bourrasques des senteurs venant de loin.
A la porte d’Arameth, il fut abordé par des marchands.

« - Aysh' in Avih baroudeur, Quels produits ramènes-tu de tes exploits ? Veux-tu les échanger ? Que transportent les fontes de ta monture ? Aurais-tu besoin de vêtements ? Veux-tu du sel ?
- Hélas, je n’ai rien, aucune possession. Quelques vêtements de rechanges et des vivres pour la route. Je cherche simplement un endroit chaud pour la nuit, et un repas pour me sustenter.
- Aucun problème, trouves-toi une autre ville, ici seules les pierres comptent, et ce que tu peux échanger avec.
On ne veut pas de pouilleux, la Perle sombre du désert ne s’est pas faite avec des bons à rien. Dégage l’aveugle, avant que je me décide à te prendre ta monture pour m’avoir fait perdre mon temps.
- Les Pierres et les possessions ?
Dans un monde si risqué où la mort est à tout bout de champ, vous ne rêvez que d’apparence et de confort ?
Et tu oses me traiter d’aveugle, alors que votre avidité vous a brûlé les yeux jusqu’à perdre de vue la raison de votre existence. Inutile de me menacer, je ne resterai pas une secondes de plus dans une faction où l’honneur et la compassion s’achètent. »

Irrité, il reprit la route, la nuit était tombée, il entendait les premiers cris des animaux de nuits.
La température descendait rapidement dans le désert. Pour éviter d’être une proie des chasseurs nocturnes, il installa un abri où dormir contre sa monture.
Le lendemain, il était à la porte d’Oriandre.
Il fut arrêté net par un bruit sonore, quatre petits êtres pointaient vers lui une arme sentant fort.

« - Retourne d’où tu viens, nous ne voulons ni de voleurs, ni d’assassins. Ne cherches pas à nous duper. Vas-t-en.
- Point mon intention, je ne suis ni assassin ni voleur, je suis un vagabond aveugle cherchant le gîte et le couvert pour ce soir. Je n’ai plus de vivres, et je voudrais un peu de paille pour reposer mon dos.
- Ne nous prends pas pour des imbéciles, tu es un espion ! tu veux voler nos vivres durement accumulées, ou nos armes pour nous assassiner, nous connaissons ton espèce. Files, Tydale, sinon je t’envoie une rafale.
- Je m’en vais inutile de menacer.
Je ne peux rester dans une faction où la confiance en autrui est une faiblesse.
Vous connaissez mon espèce ?Vous ne devez même pas connaitre votre voisin. Vous n’existez plus, vous survivez sur cette terre, vous êtes une honte pour les êtres de poussières. »

Il tira encore sur sa bride et s’en alla.
La poussière avait changé depuis sa naissance, en ce temps là, on commençait à reconstruire les cités Eduens.
Salander choisit la solitude et le risque dès qu’il eut l’âge de pouvoir le faire.
Premiers doutes sur son entreprise, il lui semblait préférable de redevenir ermite plutôt que de vivre au milieu d’êtres qui peuvent utiliser le verbe « observer », et pourtant sont aveugles à la beauté de Syfaria.
A la porte de Jypska personne ne l’arrêta. Personne ne lui parla. Finalement il s’adressa à une Nelda bien armée.

« - Bonjour, je suis un itinérant, puis-je espérer trouver gîte et couvert dans votre ville, je n’ai rien pour payer, et je souhaiterais m’intégrer.
- Je trouverais de quoi vous sustenter, mais n’espérez pas vous intégrer. Vous êtes un Tydale, vous ne connaissez rien au Second Monde, vous ne pouvez quitter Syfaria, le Mensonge. Je ne vous en veux pas mais cela ne nous intéresse pas.
- Je mangerais et je dormirais ici ce soir alors, puis je repartirais demain, je ne peux rester dans une faction où l’espérance d’un monde meilleur occulte la beauté de celui-ci.
Il parait que les ignorants son bénis, je préfère alors rester ainsi et apprécier ce que la nature m’offre plutôt que de survivre ici en espérant renaître ailleurs. »

Où était passé le respect pour ce monde, il les avait enfanté, il leur transmettait ses bienfaits.
En observant la nature, les principes qui gouvernaient le cycle semblaient pourtant du bon sens.
Les poussiéreux n’étaient plus que des ombres, fatalistes Tydales survivant que pour se voir mourir, avides Confrères ne conférant un attrait à quelque chose que quand il se monnayait, Tchaës paranoïaques dont l’existence n’avait aucun sens, Rêvants apathiques ne se souciant pas de la beauté devant leurs yeux pour aller chercher une beauté temporaire dans un autre monde.
Il arriva devant Lerth. Il fut automatiquement alpagué.

« - Bonjour voyageur, le S’sarkh t’as donc élu, tu portes les signes de ses épreuves. Veux-tu nous rejoindre ? Nous pourrons te faire voir l’illumination.
- Pourquoi pas, mais j’aimerais surtout un endroit chaud pour dormir et un repas qui enfin me remplirait l’estomac.
- Que nenni, mon ami, tu n’as pas besoin de ça. Les privations sensorielles comme ta cécité sont des épreuves nous rapprochant du S’sarkh, la douleur nous permet de nous rapprocher de l’illumination. Elle permet d’expier nos fautes.
- La Douleur ? C’est le comble, quel imbécile a considéré que la vie en elle-même n’était pas une épreuve assez grande et qu’il fallait en plus s’automutiler par des privations ?
Les poussiéreux sont devenus fous, vous m’avez décidé, je vivrais en Ermite, je préfère cela à expier des fautes que je n’ai pas commise. »

Franchement dégouté Salander considéra qu’il préférait vivre des décennies encore sans ouvrir la bouche plutôt que de supporter la déchéance de son peuple quotidiennement.
Il avait été guéri de sa solitude. Il décida de retrouver l’Hatoshal qui l’avait protégé de la pluie, nourri et vu vieillir. Elle comportait des dangers certains, mais représentait un chef-d’œuvre de la nature, un cycle sans fin qui va bien au-delà de tous les inventions des poussiéreux aveuglés.
Il se retrouva par hasard devant une des portes de Syrinth. Il avait oublié l’Equilibrium. Qui ne tente rien à rien si dit-il. Un garde l’arrêta.

« - Om’shir voyageur, que cherches-tu sur les terres Saintes de la Dame Grise.
- Je cherche gîte et couvert, mais j’ai dans l’idée que je ne le trouverai pas ici. Essayons. Qui est la Dame ?
- La Dame Grise, mon ami, est ce qui t’entoure, cet arbre est sa force, le vent est sa voix, Syfaria est son surnom, elle est la justice aveugle représentant un Equilibre qui a été perdu à cause de la maudite bête sous-marine.
La Dame doit être protégée, nous devons la protéger.
Retrouver l’Equilibre de Syfaria, en suivant ses guidances est notre mission. Je ne peux te laisser entrer dans le saint lieu de Syrinth, mais je peux te procurer à manger, et dormir sous un arbre est un toit de grande valeur. »

Salander, n’y trouva rien à redire, deux jours plus tard il était devenu Apôtre.
Il put entrer dans la Sainte et y vivre. Il mourut deux ans plus tard, il mourut heureux en prononçant ces derniers mots :
« Je n’ai pas de regret Kielnos, la mort est ma place aujourd’hui, mon cycle se termine, c’est le désir de l’Equilibre, je vais retrouver la Dame... »

~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~

"Le Gland" par le troubadour Anton Ri'Hael

Il existait depuis si longtemps qu’il ignorait jusqu’à son âge, il était gigantesque, immuable, et ancestral.
Il ne s’inquiétait pas des êtres mouvants à ses côtés, il ne s’intéressait qu’à une chose, la propre continuité de son espèce, afin de suivre l’Equilibre fragile de la nature.
C’était un chêne majestueux, un abri de fortune en cas de pluie, où nombreux se reposaient sous l’ombre de son feuillage.
A cette période, ses graines étaient mûres prêtes à tomber pour former un autre arbre grâce aux circonstances naturelles.
Un jour comme aujourd’hui, un gland poussé par le vent allait se détacher et œuvrer pour la création d’un nouvel arbre. Un nouveau chêne qui avec l’appui du temps deviendrait aussi imposant que le premier.

Qui se soucie d’un Arbre ?

Pas les filles du Déclin trop occupées à œuvrer pour préserver la race Tydale de la disparation.
Une bourrasque l’avait soulevé, il avait grandi dans le feuillage d’un grand-père sans âge, aujourd’hui il pouvait briller, la tige qui le nourrissait allait bientôt céder, le gland attendait patiemment que cela se produise, il pourrait alors avoir sa part dans la survie de son espèce, il savait sans l’avoir appris qu’il devrait se nourrir selon ses moyens une fois émancipé de son généreux parent.
Une autre bourrasque de vent, enfin il se détacha, il tomba dans une courbe presque droite puis roula un peu sur le sol, pour s’arrêter à quelques mètres du grand chêne.

Qui se soucie d’un Gland ?

Pas les Désordonnés, trop occupés à œuvrer pour la compréhension de la raison de leur naissance en ce monde en reconstruisant leur mode de vie selon leurs souvenirs.
Toujours mouvant, il connaissait Syfaria comme sa poche, vieux baroudeur qui se glissait partout.
Personne ne pouvait échapper à son regard et à ses humeurs.
Tournoyant, virevoltant, sans ordre ni régularité, il était le Vent. Il était d’humeur joyeuse aujourd’hui, ancien amis des feuillus, il avait aidé à la chute des glands, mais il décida de s’amuser avec l’un d’eux, il le poussa de son souffle, l’empêchant de s’arrêter, il le traina sur une longue distance, jusqu’à ce qu’il glisse de son plein gré d’une colline, il prenait de la vitesse, cela amusait le vent, il était fier d’avoir fait bouger un Immobile.
Il lui flanqua une dernière bourrasque qui fit s’envoler les feuilles des arbres autour, puis laissa la graine terminer sa chute seule tandis qu’il allait jouer ailleurs.

Qui se soucie du vent ?

Pas les Confrères trop occupé à manipuler leurs pairs pour améliorer leur pouvoir illusoire.
Elle était fière, parmi les plus grandes, elle récupérait l’eau de pluie pour abreuver son tout, tournée vers les soleils elle se réchauffait de leur lumière.
Le vent la chassa cependant prématurément de son ensemble, un beau Magnolia, le pétiole s’arracha et elle se mit à planer.
Ce n’était pas encore son temps, il devait lui rester une saison, puis elle aurait rejoint la terre mère pour nourrir l’arbre de nouveau par son engrais. Elle n’en était pas pourtant triste, elle savait son rôle, la vie et la mort n’était pas des notions qui importaient.

Qui se soucie d’une feuille ?

Pas les Haut-Rêvants trop occupés à chercher une solution alternative au monde qui les accueille.
La feuille et le gland étaient poussés dans la même direction, en bas de la pente se trouvait une falaise, et en bas de cette falaise se trouvait la mer, gigantesque étendue liquide, terrain de jeu préféré du Vent.
Le gland commença sa chute, la feuille aussi, ils se rencontrèrent, la feuille glissa sous le gland et fut entrainée aussitôt par le poids de la graine.
La large feuille planait un gland en son milieu, ils étaient entrainés loin des rochers, puis ils tombèrent à l’eau.
Rencontre entre deux agents d’une espèce immuable, d’une vie sans parole. La feuille devint une barque de fortune, empêchant le gland de couler.

Qui se soucie d’une chute de végétaux dans l’eau ?

Pas les témoins se brûlant les yeux à observer l’océan, espérant y voir une créature massive, un géant rendant le gland microscopique.
Ils étaient rivaux, ils devaient pourtant vivre ensemble.
Il sentait le vent dans le vide qui jouait avec eux, et ils n’aimaient pas ça. Les courants n’avaient de cesse de vouloir montrer leur force, frappant l’étendue solide de toute leur puissance pour se retirer peu après.
Observant l’embarcation, ils se bataillèrent automatiquement le droit de la faire couler, ou de l’écraser sur les rochers ou de l’emmener vers le large pour jouer plus longtemps avec elle.
Finalement l’embarcation de fortune partit vers le large, il était rare de pouvoir jouer.

Qui se soucie des courants ?
Pas les Aberrations qui ne comprennent rien à ce qui les entourent, la douleur et la folie sont les seules traits de leur vie.
Les courants finirent par venir à bout de l’embarcation, la feuille trempée coula, le gland avec elle, il s’enfonçait dans les profondeurs, jouet des maîtres de la mer, le gland sentit que la lumière disparaissait autour de lui, il finirait au fond de l’océan, son cycle se terminait ici.
Alors, il fut dévoré par un poisson, qui fut lui-même happé par une bouche gigantesque, un immense trou qui semblait prêt à avaler la mer entière.

Qui se soucie d’un gland avalé par le S’sarkh ?
Pas les Rejetons, trop occupés à servir les plans de leur maitre, ils protégeaient le lieu de leurs envies de destruction, ne se souciant pas de ce que mangeait le gros poisson.
Malgré sa petite taille et son insignifiance pour la majorité de Syfaria, un gland est tenace, difficile à digérer, et encore plus dur à briser.
Lentement, la petite boule commençait à chercher de la nourriture. Eau et minéraux, tels étaient ses seuls besoins.

Qui se soucie de ça ?
L’Equilibrien s’en soucie.
L’Apôtre a vu le gland tomber, et remercia la Dame de la vie qu’elle allait apporter.
Il a vu le vent l’emporter et reconnut la main de la Dame Grise qui le guidait.
Soupçonnant l’œuvre de la Dame, il a suivi le gland vers sont destin, jusqu’à la falaise.
Penché devant l’abyme, balayé par l’air marin, il observa l’embarcation disparaitre à l’horizon.
Lorsque l’Apôtre saisit les desseins de la Dame, des larmes de joie coulèrent sur son visage.
Il avait observé la puissance patiente de la Dame, le temps ferait son œuvre.
Sous peu, dans l’estomac du redoutable poisson gigantesque, un gland se logera.

Bientôt, le S’sarkh souffrira impuissant de ses entrailles déchirées par un jeune chêne.
Un arbre qui luttera pour sa survie, combat pour la pérennité de son existence.
Assurément, l’ennemi sera abattu, tué par une force contre laquelle il ne peut lutter.
Le monstre gigantesque sera vaincu par un tout petit, un ridicule minuscule gland porté par le vent...




(Écrit par Bakean)